Ana allume un cierge, qu'elle garde entre ses mains. Elle est tout de noir vêtue, encore poussiéreuse, d'un long chemin parcouru.
Elle revient de la primatiale, ayant assisté aux funérailles de son ami Guillaume.
Il s'est éteint, comme ça. Lui qui a vécu toutes les batailles, souffert de bien des soucis, il est décédé seul, dans son jardin, sans que personne ne sache de quoi. Ana l'avait toujours imaginé mourant vieux, très vieux. D'une belle mort, dans son lit. Entouré d'une famille et d'amis aimant. Ou bien dans une farouche bataille, face à un ennemi loyal. Mais non. Il était mort dans son jardin, son corps pourrissant au soleil.
Il retrouvait pourtant le bonheur, auprès de Dame Chikaka. Doué avait des desseins bien mystérieux pour chacun de nous. Et Ana n'était pas du tout d'accord avec celui qu'il avait décidé pour son ami.
Pourquoi maintenant? Et pourquoi lui d'ailleurs? Lui, l'ami sincère, généreux, plein d'humour. Le bon vivant, le compagnon de taverne, le guerrier plein de force, de bravoure, de courage, de pugnacité...
Le cierge entre ses mains moites d'émotion, Ana demandait pourquoi. On venait de lui arracher une part d'elle-même. Son ami, un frère à ses yeux, l'avait quittée, elle, et tous ceux qui l'aimait. Et ils étaient nombreux. Guillaume était un homme bon, droit, juste. Il ne dérogeait pas à ses principes, refusaient toute sorte de pouvoir, préférant rester simple.
Il ne restait maintenant plus que les souvenirs. Tous ceux qu'ils aimaient se remémorer tous deux, lorsqu'ils se taquinaient en taverne.
La Bretagne, malheureusement, recelait bien peu d'hommes comme lui. Et une fois encore, c'était un des meilleurs qui partait.
D'ailleurs, qu'était Rohan, sans Guillaume? Ana l'y avait toujours connu. Ils étaient arrivés à la même époque, et avaient oeuvré ensemble pour ce village, que tous deux portaient en leur coeur plus que tout autre chose.
Et lui, cet homme aux valeurs simples, dont la modestie n'avait d'égal que sa bonne humeur, avaient eu des funérailles qui certes, lui étaient dignes, mais le représentaient si peu. Ana n'avait pas pu s'y recueillir comme elle l'aurait voulu.
C'est ici, dans l'intimité de sa petite chapelle, qu'elle pouvait enfin pleurer son ami.
Les larmes vinrent, glissant doucement sur ses joues, retombant sur le sol, leur fraicheur contrastant avec la chaleur du cierge. Ana pleurait enfin, pour celui qu'elle avait aimé, qu'elle aimait, et qu'elle aimerait toujours.
Celui qui partageait les mêmes valeurs, les mêmes principes, avec qui elle partageait les mêmes ambitions, non pas pour eux-même, mais pour leur pays.
Aujourd'hui la Bretagne pouvait pleurer avec la jeune femme, car elle perdait quelqu'un qui portait en lui ce qu'elle pouvait devenir de meilleur...